4 décembre 2025 min readGéopolitique & Technologie

L’IA va-t-elle provoquer la troisième guerre mondiale ? Analyse des risques et des réalités

L’IA peut-elle déclencher la troisième guerre mondiale ? Découvrez comment armes autonomes, cyberattaques, désinformation et rivalités géopolitiques transforment les risques de conflit, et quels garde-fous peuvent éviter le pire.

L’IA va-t-elle provoquer la troisième guerre mondiale ? Analyse des risques et des réalités

Par Éloïse

L’intelligence artificielle (IA) est sortie des laboratoires pour s’installer au cœur de nos vies, de nos économies et… de nos armées. Entre promesses de progrès et scénarios catastrophes dignes de la science-fiction, une question revient de plus en plus souvent : l’IA va-t-elle provoquer la troisième guerre mondiale ?

Cette interrogation n’est pas seulement un fantasme populaire. Des entrepreneurs de la tech, des chercheurs en sécurité, mais aussi des responsables politiques et militaires expriment depuis plusieurs années leurs inquiétudes. Face à la montée en puissance de l’IA, à l’automatisation des systèmes d’armes et à la guerre de l’information, certains redoutent que la prochaine grande conflagration mondiale ne soit déclenchée par une machine… ou par une erreur liée à une machine.

Pourquoi l’IA est au cœur des inquiétudes géopolitiques

L’IA n’est pas une technologie isolée : elle s’imbrique dans les systèmes militaires, économiques, politiques et sociaux. Elle permet d’analyser des masses gigantesques de données, de prendre des décisions en quelques millisecondes et d’automatiser des tâches autrefois réservées à l’être humain. Ce pouvoir de calcul et d’anticipation peut offrir un avantage stratégique considérable.

Les grandes puissances – États-Unis, Chine, Russie, mais aussi l’Union européenne et d’autres États – considèrent désormais l’IA comme un élément central de leur puissance. Cela ouvre la voie à une véritable course aux armements algorithmiques, où l’objectif n’est plus seulement de posséder plus d’armes, mais d’avoir les systèmes d’IA les plus rapides, les plus précis et les plus autonomes.

  • Optimisation de la logistique militaire et du renseignement.
  • Analyse prédictive des mouvements adverses.
  • Automatisation des systèmes de surveillance.
  • Amélioration des cyberdéfenses… mais aussi des cyberattaques.

Ce contexte renforce l’idée que l’IA pourrait devenir un facteur majeur de déséquilibre stratégique – et potentiellement de conflit.

Les armes autonomes : vers des machines qui décident de la vie et de la mort ?

Parmi les usages les plus controversés de l’IA se trouvent les systèmes d’armes autonomes, parfois appelés « robots tueurs ». Il s’agit de plateformes (drones, véhicules, tourelles, etc.) capables d’identifier une cible, de la sélectionner et, dans certains scénarios, de l’engager sans intervention humaine directe et instantanée.

Plusieurs risques majeurs se posent :

  • Perte de contrôle humain significatif : si la décision de tirer est déléguée à un algorithme, la responsabilité de la mise à mort devient floue. Qui est responsable en cas d’erreur ?
  • Accélération du tempo de la guerre : des systèmes d’IA peuvent réagir en quelques millisecondes, bien plus vite que les humains. Le risque d’escalade incontrôlée augmente si des erreurs de détection se transforment en ripostes immédiates.
  • Prolifération et accès facilité : des armes autonomes relativement bon marché pourraient être fabriquées ou adaptées par des États moins puissants, voire par des groupes non étatiques.

De nombreux experts demandent donc un cadre international strict, voire une interdiction des systèmes d’armes entièrement autonomes. Sans régulation, l’IA militaire peut devenir un facteur de déstabilisation globale.

L’IA et le risque d’erreur de calcul stratégique

Les guerres mondiales du XXe siècle ont souvent été le résultat d’erreurs de calcul, de mauvaise perception des intentions adverses ou de confiance excessive dans des stratégies jugées « dissuasives ». L’introduction de l’IA dans ce domaine peut à la fois réduire et accroître ces risques.

D’un côté, l’IA peut améliorer la qualité du renseignement, détecter des signaux faibles, anticiper des crises et aider à désamorcer des tensions. De l’autre, elle introduit de nouveaux types d’erreurs :

  • Biais algorithmiques : les systèmes d’IA apprennent à partir de données historiques, qui peuvent être biaisées ou incomplètes. Un algorithme pourrait « interpréter » certains mouvements adverses comme hostiles de manière disproportionnée.
  • Opacité des modèles : les systèmes d’IA, notamment ceux basés sur l’apprentissage profond, sont souvent des « boîtes noires ». Même leurs concepteurs peinent à expliquer certaines décisions, ce qui complique la vérification et la confiance.
  • Dépendance excessive : des décideurs politiques ou militaires pourraient accorder une confiance démesurée à des recommandations automatisées, en négligeant leur propre jugement critique.

Un scénario redouté par certains analystes est celui d’une crise internationale aiguë, dans laquelle plusieurs puissances s’appuieraient sur des systèmes d’IA pour analyser les intentions de l’autre. Une mauvaise interprétation généralisée pourrait alimenter une spirale d’escalade où chaque camp croit l’autre sur le point d’attaquer, déclenchant ainsi une confrontation majeure.

Cyber-guerre, IA et attaques invisibles

Là où l’IA change profondément les règles du jeu, c’est aussi dans le cyberespace. Les cyberattaques ne se traduisent pas forcément par des explosions visibles, mais par des paralysies d’infrastructures, des coupures d’électricité, des perturbations de chaînes d’approvisionnement ou des fuites massives de données sensibles.

Avec l’IA, ces attaques peuvent devenir :

  • Plus rapides : l’automatisation permet de scanner, tester et exploiter des failles en continu.
  • Plus ciblées : des algorithmes peuvent identifier les points faibles les plus critiques dans un réseau ou une organisation.
  • Plus difficiles à attribuer : les attaques peuvent être masquées, fragmentées, routées via de multiples intermédiaires, rendant l’identification de l’agresseur très complexe.

Une cyberattaque massive contre des infrastructures critiques (réseaux électriques, systèmes de contrôle nucléaire, hôpitaux, transports) pourrait être interprétée comme un acte de guerre, même si l’auteur réel reste flou. Dans un contexte de tensions internationales, une telle attaque, assistée ou amplifiée par l’IA, pourrait contribuer au déclenchement d’un conflit ouvert entre grandes puissances.

Guerre de l’information : IA, propagande et polarisation

La guerre moderne ne se joue pas uniquement sur les champs de bataille, mais aussi dans les esprits. L’IA occupe ici une place centrale, notamment à travers la génération de contenus (textes, images, vidéos, voix) et l’analyse des comportements en ligne.

Grâce à l’IA, il est désormais possible de :

  • Produire des deepfakes extrêmement réalistes, montrant des dirigeants dire ou faire des choses qu’ils n’ont jamais dites ni faites.
  • Automatiser la création de faux comptes et de campagnes de désinformation à grande échelle.
  • Personnaliser des messages de propagande ou d’influence en fonction des profils psychologiques et des préférences des utilisateurs.

Cette capacité à manipuler l’opinion publique peut fragiliser les démocraties, accentuer la polarisation politique et rendre plus difficile la construction de consensus en temps de crise. Dans un contexte pré-conflictuel, une campagne de désinformation massive pourrait attiser la haine, amplifier les incidents et rendre la désescalade beaucoup plus compliquée.

Une IA « déclencheur » ou « amplificateur » de conflit ?

La question centrale est de savoir si l’IA peut, à elle seule, « provoquer » une troisième guerre mondiale, ou si elle agit plutôt comme un amplificateur de tensions déjà existantes. En réalité, les technologies ne naissent pas dans le vide ; elles reflètent et renforcent les rapports de force et les choix politiques des sociétés qui les développent.

Plusieurs éléments laissent penser que l’IA serait davantage un catalyseur qu’un déclencheur autonome :

  • Les motivations restent humaines : ambitions de puissance, rivalités territoriales, idéologies, ressources… Ce sont des facteurs humains qui alimentent les conflits.
  • L’IA comme outil : même les systèmes autonomes sont conçus, configurés et déployés par des humains. Les décisions stratégiques clés restent, au moins pour l’instant, entre des mains humaines.
  • Des marges de régulation : des accords internationaux, des normes éthiques et des cadres légaux peuvent limiter certains usages de l’IA, en particulier dans le domaine militaire.

En revanche, l’IA peut fortement augmenter la vitesse, l’ampleur et la complexité d’un conflit. Elle peut rendre certaines escalades plus probables en réduisant le temps de réaction et en multipliant les occasions d’erreur, que ce soit dans le cyberespace, dans la détection de menaces ou dans la gestion des systèmes d’armes autonomes.

Les signaux rassurants : pourquoi la catastrophe n’est pas inévitable

Si les scénarios alarmistes occupent une large place dans les débats, il existe aussi des raisons de penser que l’IA ne condamne pas nécessairement le monde à une troisième guerre mondiale. Plusieurs dynamiques vont au contraire dans le sens d’une prise de conscience et d’une recherche de maîtrise.

  • Débats internationaux sur les armes autonomes : au sein des Nations unies et d’autres instances, de plus en plus d’États et d’ONG plaident pour des règles strictes, voire une interdiction des systèmes d’armes entièrement autonomes.
  • Codes de conduite et éthique de l’IA : de grandes entreprises technologiques et des organisations de recherche publient des chartes éthiques, en particulier sur les usages militaires et sécuritaires de l’IA.
  • Coopération scientifique et diplomatique : des réseaux de chercheurs et d’experts travaillent sur la sécurité de l’IA, la robustesse des systèmes, et les moyens de garantir un contrôle humain significatif.

Par ailleurs, les décideurs commencent à comprendre que l’IA peut aussi être un outil de stabilisation : meilleure détection des signaux de crise, simulation de scénarios pour éviter les erreurs, amélioration de la communication entre États, etc. L’enjeu est donc d’orienter le développement de l’IA vers des usages qui diminuent les risques plutôt que de les amplifier.

Ce que les États et les entreprises peuvent faire

Limiter le risque que l’IA contribue à un conflit mondial nécessite une action coordonnée à plusieurs niveaux. Les États, les organisations internationales, mais aussi les entreprises privées et les acteurs de la société civile ont tous un rôle à jouer.

  • Adopter des régulations claires : mise en place de lois encadrant le développement et l’usage de l’IA, notamment dans les domaines sensibles comme la défense, la surveillance de masse et les infrastructures critiques.
  • Renforcer la transparence : exiger des audits, des évaluations d’impact et des mécanismes de responsabilité pour les systèmes d’IA utilisés dans des contextes à haut risque.
  • Développer des garde-fous techniques : intégrer dès la conception des mécanismes de contrôle humain, des boutons d’arrêt, des limites d’autonomie et des systèmes de supervision.
  • Promouvoir la coopération internationale : négociation d’accords, de traités et de normatifs partagés sur les armes autonomes, la cyber-guerre et la désinformation.

Les entreprises technologiques, en particulier, sont en première ligne. Elles doivent refuser certains contrats lorsqu’ils impliquent des usages manifestement dangereux ou contraires au droit international, et investir dans la recherche sur la sûreté et l’éthique de l’IA.

Le rôle des citoyens et de l’opinion publique

La manière dont l’IA sera utilisée dans les prochaines décennies ne dépend pas seulement des élites politiques ou économiques. Les citoyens, les associations, les journalistes et les ONG ont un pouvoir réel : celui d’informer, d’enquêter, de dénoncer des dérives et de peser sur les choix collectifs.

Pour cela, il est essentiel de développer une culture générale de l’IA :

  • Comprendre les grandes lignes de son fonctionnement, sans forcément devenir expert technique.
  • Identifier les enjeux éthiques, sociaux et politiques associés à son déploiement.
  • Soutenir des initiatives de transparence, d’éducation et de régulation.

Une opinion publique informée est plus à même de refuser une fuite en avant technologique aux conséquences potentiellement catastrophiques, et de soutenir des politiques responsables visant à encadrer l’IA plutôt qu’à l’exploiter coûte que coûte.

Vers un futur avec l’IA, mais sans guerre mondiale ?

L’IA est une technologie de rupture, au même titre que l’ont été le nucléaire ou Internet. Comme elles, elle peut servir à la fois au meilleur et au pire. Imaginer qu’elle « provoquera » à elle seule la troisième guerre mondiale revient à lui prêter une forme d’intention qu’elle n’a pas : ce sont les humains qui décident des objectifs, des moyens et des limites.

En revanche, ignorer les risques spécifiques liés à l’IA serait irresponsable. Automatisation des armes, cyberattaques massives, désinformation généralisée, erreurs de calcul stratégique : autant de facteurs qui, combinés à des tensions géopolitiques préexistantes, pourraient contribuer à un conflit d’ampleur sans précédent.

La véritable question n’est donc pas seulement : « l’IA va-t-elle provoquer la troisième guerre mondiale ? », mais plutôt : « quels choix les sociétés feront-elles face aux possibilités offertes par l’IA ? ». Investir dans la sécurité, la transparence, la régulation et la coopération internationale peut réduire considérablement les risques et permettre de tirer parti de l’IA sans sombrer dans la catastrophe.

Le futur n’est pas écrit. L’IA sera ce que l’humanité en fera : un outil de domination et de destruction, ou un levier d’intelligence collective et de stabilité. C’est maintenant que se joue la différence.

Articles connexes

La menace des IA malveillantes développées en secret : enjeux, risques et protections
1 décembre 2025

La menace des IA malveillantes développées en secret : enjeux, risques et protections

La menace des IA malveillantes développées en secret grandit : cyberattaques, désinformation, surveillance et sabotage. Découvrez les risques concrets, les enjeux éthiques et les moyens de se protéger à l’ère de l’intelligence artificielle.

Gérer les erreurs de prédiction en santé : enjeux, méthodes et bonnes pratiques
4 décembre 2025

Gérer les erreurs de prédiction en santé : enjeux, méthodes et bonnes pratiques

Découvrez comment gérer les erreurs de prédiction en santé : types d’erreurs, impacts cliniques et éthiques, indicateurs de performance, stratégies de réduction des risques et bonnes pratiques pour une utilisation responsable des modèles prédictifs et de l’IA en milieu médical.

Géants de l’IA : la rivalité Chine–États‑Unis à l’horizon 2027
6 décembre 2025

Géants de l’IA : la rivalité Chine–États‑Unis à l’horizon 2027

Analyse complète de la rivalité entre les géants de l’IA chinois et américains à l’horizon 2027 : forces, faiblesses, enjeux géopolitiques, stratégies d’entreprise et perspectives de gouvernance mondiale.

L’IA va-t-elle provoquer la troisième guerre mondiale ? Analyse des risques et des réalités | AI Futur