3 décembre 2025 min readCybersécurité industrielle

Cybersécurité des systèmes d’ingénierie connectés : enjeux, risques et bonnes pratiques

Découvrez comment sécuriser vos systèmes d’ingénierie connectés (SCADA, IoT industriel, OT) : enjeux, principales menaces, normes clés et bonnes pratiques pour renforcer la résilience et la continuité de vos opérations.

Cybersécurité des systèmes d’ingénierie connectés : enjeux, risques et bonnes pratiques

Par Éloïse

La transformation numérique a profondément bouleversé les systèmes d’ingénierie. Usines intelligentes, capteurs IoT, systèmes SCADA, jumeaux numériques et maintenance prédictive reposent désormais sur des réseaux interconnectés. Cette convergence entre technologies de l’information (IT) et technologies opérationnelles (OT) démultiplie les performances, mais ouvre aussi une surface d’attaque sans précédent.

Dans ce contexte, la cybersécurité des systèmes d’ingénierie connectés n’est plus une option, mais un impératif stratégique. Une cyberattaque réussie peut entraîner non seulement des pertes financières, mais aussi des arrêts de production, des dommages matériels voire des risques pour la sécurité des personnes et l’environnement.

Qu’est-ce qu’un système d’ingénierie connecté ?

Un système d’ingénierie connecté désigne l’ensemble des équipements, logiciels et infrastructures utilisés pour concevoir, piloter, superviser ou maintenir des systèmes physiques, et qui s’appuient sur une connexion réseau pour fonctionner. On y trouve notamment :

  • Les capteurs et actionneurs IoT industriels (IIoT) déployés dans les usines, bâtiments, réseaux d’énergie ou infrastructures de transport.
  • Les automates programmables industriels (API/PLC) et les systèmes de contrôle-commande (SCADA, DCS).
  • Les systèmes de supervision et de télémaintenance accessibles à distance.
  • Les plateformes d’analyse de données, de jumeaux numériques et d’optimisation en temps réel.
  • Les passerelles et routeurs industriels qui relient le monde OT aux systèmes IT traditionnels.

Ces systèmes étaient historiquement isolés (air-gapped) et conçus pour la disponibilité et la sûreté de fonctionnement. Leur exposition croissante à Internet, au cloud et à des écosystèmes partenaires fait désormais de la cybersécurité un pilier indispensable de leur architecture.

Des enjeux bien plus larges que l’IT classique

La cybersécurité des systèmes d’ingénierie connectés se distingue de celle des systèmes IT classiques par la nature et l’ampleur des conséquences possibles. Une faille sur un serveur bureautique peut entraîner une fuite de données. Une faille sur une ligne de production ou une centrale peut provoquer des dégâts matériels, des arrêts majeurs, voire des accidents graves.

Les principaux enjeux sont :

  • Continuité de service et disponibilité : un arrêt imprévu d’équipements critiques peut coûter des millions d’euros par heure et fragiliser toute la chaîne de valeur.
  • Sûreté et sécurité des personnes : une manipulation malveillante de capteurs, de robots ou d’équipements lourds peut mettre en danger les opérateurs et le public.
  • Intégrité des procédés : une modification imperceptible de paramètres industriels (températures, pressions, dosages) peut altérer la qualité, la conformité réglementaire ou la sécurité de produits.
  • Protection de la propriété intellectuelle : les données d’ingénierie (plans, recettes, modèles) sont souvent au cœur de l’avantage concurrentiel d’une entreprise.
  • Conformité réglementaire : dans l’énergie, le transport, la santé ou l’eau, les régulateurs imposent désormais des exigences fortes en matière de cybersécurité (NIS2, IEC 62443, ISO 27001, etc.).

Principales menaces qui pèsent sur les systèmes d’ingénierie

Les systèmes d’ingénierie connectés subissent à la fois les menaces classiques du cyberespace et des attaques ciblant spécifiquement les environnements industriels. Parmi les menaces majeures :

  • Ransomwares et extorsion : des attaquants pénètrent dans le réseau, chiffrent des serveurs, mais aussi des systèmes de supervision, et paralysent la production jusqu’au paiement d’une rançon.
  • Intrusions via équipements mal protégés : des automates ou capteurs exposés sur Internet avec des mots de passe par défaut ou des failles non corrigées servent de point d’entrée.
  • Manipulation de capteurs et données : l’attaquant altère des mesures (température, pression, vitesse) pour tromper les algorithmes de contrôle ou masquer une attaque physique.
  • Compromission de la chaîne d’approvisionnement : des logiciels d’ingénierie, firmwares ou bibliothèques embarquées sont infectés en amont, puis déployés massivement.
  • Accès à distance non maîtrisés : comptes partagés, VPN mal configurés ou bureaux à distance ouverts créent des portes d’entrée idéales.
  • Menaces internes : erreurs d’configuration, négligence ou actes malveillants de collaborateurs ou prestataires ayant accès aux systèmes.

Ces menaces se combinent parfois avec des attaques physiques ou sociales (ingénierie sociale, intrusions sur site), ce qui rend la détection plus complexe.

Des vulnérabilités structurelles à adresser

De nombreux systèmes OT et d’ingénierie ont été conçus avant que la cybersécurité ne devienne une préoccupation majeure. Ils présentent plusieurs fragilités structurelles :

  • Équipements anciens (legacy) qui ne supportent pas les mécanismes de sécurité modernes (chiffrement, authentification forte, mises à jour fréquentes).
  • Protocole industriels non sécurisés (Modbus, DNP3, etc.), souvent dépourvus de chiffrement et d’authentification natifs.
  • Convergence IT/OT mal maîtrisée : les réseaux de production et bureautiques partagent des ressources, ce qui facilite la propagation d’attaques.
  • Visibilité limitée sur les actifs connectés : inventaire incomplet, absence de cartographie dynamique, manque de supervision adaptée aux protocoles industriels.
  • Gestion déficiente des identités et accès : comptes techniques partagés, mots de passe statiques, absence de traçabilité des actions.

La première étape d’une démarche de cybersécurité consiste donc à mieux connaître et cartographier ces vulnérabilités pour prioriser les actions.

Cadres normatifs et réglementaires à connaître

Pour structurer une approche robuste, plusieurs référentiels peuvent servir de guide aux organisations qui exploitent des systèmes d’ingénierie connectés :

  • IEC 62443 : norme de référence pour la cybersécurité des systèmes d’automatisation et de contrôle industriels, couvrant à la fois les produits, les systèmes et les processus organisationnels.
  • ISO/IEC 27001 : standard international pour la gestion de la sécurité de l’information, utile pour aligner les pratiques IT et OT.
  • Directive NIS2 (et ses transpositions nationales) : impose aux opérateurs de services essentiels et entités importantes des exigences renforcées en matière de cybersécurité et de gestion des incidents.
  • Réglementations sectorielles dans l’énergie, la santé, les transports, l’eau ou l’aéronautique, qui exigent des niveaux de résilience élevés.

S’aligner sur ces cadres aide à structurer les priorités, démontrer la conformité aux régulateurs et bâtir une gouvernance commune entre équipes IT, OT et métiers.

Bonnes pratiques techniques pour sécuriser les systèmes d’ingénierie

La sécurité des systèmes d’ingénierie connectés repose sur un ensemble de mesures complémentaires. Parmi les pratiques clés à mettre en œuvre :

Segmentation et architecture de défense

  • Segmenter les réseaux IT et OT avec des zones de sécurité, des VLAN, des pare-feu industriels et des DMZ pour limiter les mouvements latéraux.
  • Isoler les systèmes critiques (SCADA, automates, serveurs de temps réel) dans des segments protégés avec un nombre d’interconnexions réduit et contrôlé.
  • Mettre en place une zone de démilitarisation (DMZ) pour les flux entre l’usine, le cloud, les partenaires et les outils de supervision à distance.

Gestion des accès et des identités

  • Appliquer le principe du moindre privilège : chaque compte ne dispose que des droits strictement nécessaires à ses tâches.
  • Mettre en place une authentification forte (MFA) pour les accès distants, les consoles d’administration et les systèmes de supervision.
  • Supprimer les comptes partagés et tracer toutes les actions critiques pour garantir l’auditabilité.
  • Gérer rigoureusement le cycle de vie des comptes des prestataires, sous-traitants et intervenants extérieurs.

Supervision, détection et réponse

  • Déployer des solutions de détection d’intrusion adaptées à l’OT capables d’analyser les protocoles industriels et de repérer les comportements anormaux.
  • Centraliser les journaux (logs) et les événements de sécurité dans un SIEM ou une plateforme de monitoring dédiée.
  • Mettre à l’épreuve les plans de réponse à incident via des exercices réguliers impliquant à la fois les équipes IT, OT et métiers.

Gestion des vulnérabilités et mises à jour

  • Établir un inventaire à jour des actifs (équipements, versions de firmware, logiciels d’ingénierie) pour mieux suivre les vulnérabilités.
  • Tester et planifier les mises à jour dans des environnements de préproduction pour limiter les risques d’indisponibilité.
  • Utiliser des mesures compensatoires (pare-feu, règles spécifiques, durcissement) lorsque la mise à jour d’un équipement legacy est impossible.

Dimension humaine et organisationnelle

La technologie seule ne suffit pas à sécuriser les systèmes d’ingénierie connectés. La culture de cybersécurité au sein des équipes d’ingénierie, de production et de maintenance joue un rôle déterminant.

  • Former et sensibiliser les équipes OT aux risques numériques, aux bonnes pratiques et aux signaux faibles d’incident.
  • Mettre en place une gouvernance conjointe IT/OT pour définir des règles communes, arbitrer les priorités et gérer les risques partagés.
  • Documenter les procédures de connexion à distance, de changement de configuration, de mise en service de nouveaux équipements.
  • Impliquer la direction pour inscrire la cybersécurité dans la stratégie globale, avec des budgets, des objectifs et des indicateurs clairs.

Cybersécurité dès la conception des systèmes (security by design)

Pour les nouveaux projets d’ingénierie, intégrer la cybersécurité dès la phase de conception permet de réduire considérablement les coûts et les risques à long terme. Cette approche « security by design » repose sur plusieurs principes :

  • Analyse de risques initiale prenant en compte les scénarios de cyberattaque, les impacts potentiels et les exigences réglementaires.
  • Choix de technologies et protocoles sécurisés (chiffrement, authentification, durcissement par défaut).
  • Définition d’une architecture segmentée avec des zones de sécurité et des mécanismes de contrôle d’accès clairs.
  • Intégration de la journalisation, de la supervision et des tests de sécurité dès les premières étapes du projet.

Cette démarche permet de passer d’une posture réactive (corriger après incident) à une posture proactive, capable d’anticiper et de limiter les opportunités offertes aux attaquants.

Exemples de mesures concrètes à déployer rapidement

Pour les organisations qui débutent ou souhaitent accélérer leur démarche, plusieurs actions à fort impact peuvent être mises en œuvre à court terme :

  • Changer tous les mots de passe par défaut sur les automates, capteurs, routeurs et interfaces web locales.
  • Désactiver les services inutiles (ports ouverts, protocoles non utilisés) sur les équipements d’ingénierie.
  • Mettre en place un accès VPN sécurisé pour la télémaintenance, avec authentification forte et périmètres restreints.
  • Cartographier le réseau OT et identifier les connexions vers Internet ou le cloud, parfois créées sans validation centralisée.
  • Établir un processus simple de remontée d’incident pour que les équipes terrain signalent rapidement tout comportement anormal.

Tendances émergentes en cybersécurité industrielle

Le paysage de la cybersécurité des systèmes d’ingénierie évolue rapidement. Plusieurs tendances structurent les stratégies à moyen terme :

  • Utilisation croissante de l’IA et de l’analyse avancée pour détecter des anomalies subtiles dans les flux OT et les données de capteurs.
  • Zero Trust appliqué à l’OT : ne plus considérer qu’un équipement ou un utilisateur est « de confiance » par défaut, même à l’intérieur du réseau industriel.
  • Generalisation des jumeaux numériques pour simuler des scénarios de cyberattaque et tester des mesures de résilience sans perturber la production réelle.
  • Renforcement de la coopération internationale et du partage d’informations sur les menaces ciblant les infrastructures critiques.

Anticiper ces évolutions permet aux organisations industrielles de ne pas se limiter à un rattrapage réglementaire, mais de transformer la cybersécurité en avantage compétitif.

Conclusion : faire de la cybersécurité un levier de confiance

Les systèmes d’ingénierie connectés sont au cœur de la transition numérique et énergétique, de l’industrie 4.0 et des infrastructures intelligentes. Leur cybersécurité conditionne la continuité des opérations, la sécurité des personnes, la protection de l’environnement et la confiance des clients et partenaires.

En combinant une approche structurée (basée sur des normes reconnues), des mesures techniques adaptées (segmentation, gestion des accès, supervision), une gouvernance claire et une culture partagée de la sécurité, les organisations peuvent réduire significativement leur exposition aux risques. Au-delà de la simple conformité, investir dans la cybersécurité des systèmes d’ingénierie connectés revient à protéger la valeur créée, à renforcer la résilience et à préparer l’avenir dans un monde de plus en plus interconnecté.

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